« J’avais remarqué depuis 2 ou 3 ans, au cours des différents rallyes auxquels j’avais participés que nous passions notre temps à poursuivre les DS qui allaient beaucoup plus vite que nous sur les mauvaises routes. » C’est donc avec sa DS personnelle que Lucien Bianchi s’engage dans le « Liège-Sofia- Liège » remporté triomphalement par Citroën. Convaincu de la supériorité de la DS « je suis entré dans l’équipe Citroën à part entière.» Cet engagement autorise néanmoins les participants aux courses sur circuits. Ainsi Lucien Bianchi remporte en 1968 les 24H du Mans avec une Ford. Cependant, « émulation et fraternité font du rallye un monde à part, en dehors de la vie normale. A partir du moment où vous y entrez, tout contact cesse avec l’extérieur. »
Avec « Mes rallyes » l’auteur nous fait revivre ses luttes les plus serrées avec des concurrents aussi talentueux que lui. Retracer les péripéties de ses innombrables courses serait fastidieux, mais je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler quelques anecdotes qui jalonnent le récit.
Un cheval sur le capot.
Nous sommes dans le « Liège-Sofia-Liège » de 1961. En Yougoslavie « nous vîmes devant nous la DS de Guichet-Coltelloni. Elle roulait à 120 /130. Puis devant la DS tout à coup un cheval que Jean Guichet ne peut pas éviter… et qui se retrouva assis sur le capot de la voiture, son immense arrière train appliqué contre le pare-brise, tandis que les jambes antérieures pédalaient dans le vide. Guichet qui n’y voyait strictement rien fut bien sur obligé de freiner, ce qui eut pour résultat de faire faire au cheval un spectaculaire roulé boulé…et l’animal se retrouva sur ses jambes sans trop savoir comment et repartit au trot. Quant à Guichet, il garda sur son capot la trace d’énormes fesses, c’est tout. Il s’en tirait bien, le cheval aussi. »
La DS reine des neiges sur l’ile de Beauté.
Au tour de Corse 1961, Lucien Bianchi fait équipe avec Georges Harris avec une DS 19 de même que Trautmann et Ogier, également sur DS 19. Attaquant le col du Vergio sous la neige « la plupart des voitures étaient plantées sur le bord de la route. Nous en doublions sans arrêt, car notre DS se comportait magnifiquement. Les traces devant nous se raréfiaient et finalement il n’en resta plus qu’une… celle d’une autre DS… celle de Trautmann- Ogier. » « Pas question de rester ici en pleine bourrasque, ni de faire demi-tour… Derrière nous la tempête refermait les congères de neige. Il nous fallut donc aller de l’avant, poussant à quatre une voiture puis allant chercher l’autre jusqu’au sommet du col… puis ce fut la descente qui d’abord se passa bien, au point que nous nous disions « nous serons premier et deuxième. » Et puis, 5km plus loin, un arbre barrait la route… j’avais dans la voiture une scie à métaux. Je la sortis et au travail. » Malheureusement Trautmann cassa la lame de scie alors que le travail touchait à sa fin. « On plaça une voiture contre l’arbre, un pneu sur le pare-chocs arrière l’un de nous se mit au volant de la deuxième et prenant son élan, se lança contre la première. Au troisième essai, l’arbre céda. » Continuant le rallye, ils ne trouvèrent personne ni à Evisa ni à Vico. Téléphonant aux organisateurs ceux-ci répondirent « comment ? Vous êtes passés ? Mais c’est impossible… C’est extraordinaire. Vous avez gagné. »
Afin de clore ce petit résumé, je ne résiste pas au plaisir de vous replonger dans la bonne humeur des concurrents. Nous sommes en Turquie lors du marathon Londres Sidney. Bianchi et Ogier viennent de rattraper la DS de Neyret-Terramorsi « c’est de concert que nous nous arrêtâmes afin d’ouvrir une boite de thon. Non loin de là se dressait dans le ciel le long crayon pointu d’un minaret. Tout à coup, je vis Bob et « Terra » s’incliner jusqu’à terre et se mettre à prier. Mais au lieu d’appeler « Allah », c’est à Bouddha qu’ils s’adressaient : « Bouddha, Bouddha, fait que Bianchi arrête bientôt. »