Notre ami Etienne Christian, Club Citroën France, l'a résumé pour vous.
Après avoir organisé les mythiques « Paris Kaboul Paris» en 1970 et le « Persépolis » en 1971, Jacques Wolgensinger, l’infatigable directeur des Relations Publiques Citroën se lance dans l’aventure du Raid Afrique 1973. « Wolgen » tient à l’esprit raid qu’il définit par « une incursion rapide en territoire inconnu. » Après une mission de reconnaissance en Afrique de l’Ouest dirigée par Daniel Moulin, l’itinéraire retenu est un Abidjan-Tunis avec la traversée de la zone la plus dangereuse du Sahara, le Ténéré. Henri Lhote, pour l’avoir exploré, le décrivait ainsi « le Ténéré est certainement la région la moins bien connue du Sahara. Son haut degré d’aridité et son immense superficie en ont éloigné toute vie humaine depuis bien des siècles. »
L’expédition composée de 50 2CV Dyane et fourgonnettes AK, répartie en 5 groupes, encadrée par une solide équipe de techniciens Citroën et de camions Berliet, s’élance le 29 octobre de la capitale de la Côte d’Ivoire vers le nord en direction de Korhogo. Après 2,5km, une tige de suspension casse sur une camionnette. Jean-Paul Cardinal, responsable technique du raid qui partage la 2CV de Wolgen bougonne « ça commence bien. » Jacques Wolgensinger note « chaque fois que nous apercevions au loin un groupe de 2CV arrêtées, je voyais le visage de Cardinal s’allonger » et lorsqu’une 2CV franchit à 80km/h une voie de chemin de fer avec comme bilan le train avant éclaté, Jean-Paul s’exclame « Dingues ! Mais ils sont dingues »
Avant de quitter la Cote d’Ivoire, la caravane fait une halte aux chutes de la Kamoé au pied des falaises de Banfora tandis que plusieurs équipages vont s’aventurer sur la « mare aux hippos » de Sabou prendre quelques photos. La Haute-Volta oblige les deuchistes à une conduite prudente. Non seulement la piste n’est qu’une succession de tôles ondulées, mais par endroits, une marche de rochers barre la route sur 30cm de haut.
A l’entrée du Niger, un des pays les plus chauds du monde, il fait 40° dans les voitures. Une halte à Niamey s’avère nécessaire afin de reposer les équipages et réviser les mécaniques. Une visite au Musée National situé en périphérie de la capitale s’impose. Il regroupe un zoo, un village artisanal ainsi qu’un jardin public.
Le Raid Afrique se rapproche maintenant du Sahara et tout le monde peut évaluer les difficiles conditions de vie qui y règnent. La sécheresse ! Son ampleur et sa durée sont sans précédent. « Le désastre touche les six pays de Sahel…la piste est jalonnée de carcasses de bêtes mortes de faim et de soif… » « La mort lente a commencé en hiver 1968 « l’année du grand vent chaud » disent les nomades…la sécheresse hâtant la disparition du tapis végétal. »
A Tahoua, dans l’est du Niger, la 2CV cassée en deux de l’équipage 59 Fruchard et Brisou est remorquée jusqu’à l’étape du soir et réparée dans la nuit. Le lendemain à Agadez, Marie-Christine et Daniel l’équipage 43 décident de se marier selon la coutume targuie. Tandis que Malcy, une rédactrice, prend des notes, un petit garçon lui demande : « Madame, pourquoi t’écrit ? Tu fais punition ? »
Lorsque le raid aborde le Ténéré, Wolgen renouvelle les consignes de prudence et rappelle le décret présidentiel réglementant la circulation « toute personne arrêtée dans le désert est considérée comme en danger de mort et c’est une obligation légale que de lui porter secours. » La caravane est accueillie par une tempête de sable « une fin du monde en ralenti » toutes les voitures s’ensablent. « Cette fois, c’est vraiment le désert. Vaste, ouvert. Plus un arbre, plus une touffe d’herbe. Plus de piste, plus de repères. » Bien que chaque groupe de 2CV bénéficie d’un guide local, cela n’empêche pas le groupe Sable de s’égarer et de ne devoir son salut qu’à la surveillance aérienne.
L’entrée dans l’oasis de Djanet est un grand soulagement « tout ce qui fut racorni, aveuglé, tari, épuisé, meurtri par la piste sèche et brulante, est enfin apaisé et baigné de douceur…sous la porcelaine bleue du ciel, le vert de 40 000 palmiers qui s’étend sur 5km le long de l’oued Edjariou. »
Après une journée de repos à Tamanrasset tous les équipages se lancent à l’assaut de l’Assekrem pour visiter l’ermitage du père Charles de Foucauld d’où, « la vue est plus belle qu’on peut le dire ou l’imaginer. »
Les rencontres sont toujours instructives et étonnantes, à Idèles, un instituteur français, marié à une femme touareg roule en 2CV, « la seule voiture possible ici.» Après les oasis d’In Salah, El Golea et Ouargla, la caravane abandonne avec nostalgie les grandes étendues du Sahara. C’est en Tunisie que le Raid Afrique effectue ses dernières visites avec les palmeraies de Nefta et Tozeur. A Tunis, le président du Conseil Municipal donne en l’honneur du raid une grandiose réception dans les jardins du palais de Bey Hussein. Le lendemain tous les équipages embarquent sur le ferry « l’Avenir » pour rejoindre la France. Après une dernière allocution de Wolgen au Palais des Congrès de Marseille en présence de Raymond Ravenel, Président Directeur Général des Automobiles Citroën, tous les équipages regagnent leur domicile.
Aujourd’hui encore, ils peuvent se remémorer ces inoubliables journées africaines grâce à l’association Mémoire des trois Raids créée et animée par Pierre Lacasta.