Ecrit par Sylvie Schweitzer aux Editions Fayard,
Si l'histoire de l'automobile en France est connue, on s'est peu penché sur les constructeurs. Pourtant, le patron de Javel ne peut que forcer la fascination, lui dont le parcours se distingue si nettement de ses concurrents qu'il bouscule ou éclipse dès les lendemains de la Grande Guerre.
Polytechnicien, André Citroën n'est pas homme de mécanique ni de courses comme Louis Renault, mais plutôt d'idées et de risques. Organisateur, vendeur, publicitaire de génie (la tour Eiffel illuminée, les Croisières noire et jaune...), il est aussi un joueur à qui il n'importe guère d'amasser: cet habitué des tapis verts se lance sans répit dans une série de bancos industriels. Brillant esprit, surdoué du défi industriel, véritable homme public (contrairement aux autres fabricants), il se multiplie aussi bien dans son usine que sur les plages à la mode ou dans les milieux radicaux-socialistes.
Auprès de ses proches, de ses collaborateurs, de ses ouvriers, de ses concessionnaires, des auditeurs de ses innombrables conférences, des bailleurs de fonds ou de l'Etat, il jouit d'un incontestable charisme. D'audaces technologiques en échéances bancaires, ce capitaine d'industrie se hisse et se maintient au plus haut vingt ans durant, mais vingt ans seulement...
Discours, brochures, films et photos par milliers, journal d'entreprise et revue destinée aux concessionnaires, documents sur la production, la publicité et la vente, mémoires de collaborateurs...: même si l'homme Citroën demeure à beaucoup d'égards une énigme, ce riche matériau permet de prendre la mesure de la marque inscrite dans l'histoire collective par un entrepreneur qui a vu poindre la société de consommation _ ne voulait-il pas que les premiers mots d'un enfant fussent pour dire: papa, maman, auto?