La première épreuve fut le Sahara. « Quand nous sommes arrivés à Touggourt, les fonctionnaires nous ont tout de suite dit que nous ne pourrions pas circuler dans leur région. « Eh bien ! Ai-je répondu, conduisez-nous dans les endroits les plus difficiles et nous verrons. » L’essai fut concluant et ces messieurs furent émerveillés. Nous reprîmes le chemin de Tunis en passant par les mêmes mauvaises pistes, de manière à bien nous rendre compte des possibilités de la voiture, ce fut extraordinaire ! »
Il s’en suivit un aller et retour à Moscou, qui fut la première liaison postale automobile avec l’URSS, également réalisée avec une 11CV Citroën.
L’éviction d’André Citroën du Quai de Javel par la famille Michelin attrista profondément François Lecot qui lui vouait une grande admiration. Aussi fut-il déçu lors de la préparation de son raid des 400.000kms de s’entendre dire qu’il serait dorénavant « considéré comme un simple client » par les nouveaux dirigeants.
Le départ fut donné le 22 juillet 1935 de la Place de la Concorde « à part quelques amis, il n’y avait personne.» François Lecot en fut attristé au point d’écrire « si le raid avait eu lieu en Allemagne ou en Italie, le Führer ou le Duce aurait été au courant de la tentative, l’aurait encouragée, et aurait vu tout le parti que l’on pouvait en tirer… »
Dans son livre souvenir François Lecot décrit la préparation de sa voiture dont certains aménagements surprennent « j’ai deux accélérateurs, un au pied droit et l’autre au pied gauche. Je me sers du gauche en cas de fatigue ou de crampe du pied droit. »
Profondément reconnaissant envers les personnes qui l’ont aidé, il ne manque pas de décrire le dévouement de l’agent Peugeot de Fréjus qui redressa l’essieu arrière de sa Traction en une heure après qu’un camion l’eut heurté.
François Lecot s’échappant de son itinéraire Paris Côte-d’Azur s’engagea au rallye de Monte-Carlo et choisit son départ de Valenca au Portugal. Son témoignage sur les conditions économiques de l’époque sont éloquentes « les femmes portent tout sur la tête…et même une qui venait de la ville avec un superbe cercueil sur la tête. C’était la bière destinée à son mari qui venait de décéder. »
L’auteur nous révèle également une petite anecdote qui lui est arrivée à Berlin alors qu’il faisait la tournée des capitales européennes. Après s’être ravitaillé en essence, le responsable d’une station-service lui fit laver la voiture « pour que l’on voit mieux les cocardes tricolores. »
Sur son parcours François Lecot décida après Tournus de faire une boucle par Uchizy, dérangeant une garde barrière à l’aller comme au retour. Le troisième jour, la brave femme sort de sa maison et les mains sur les hanches se plante devant la Traction et lance à l’adresse de son conducteur « elle va durer longtemps cette comédie ?»
Commencée dans l’indifférence, cette aventure incroyable s’acheva le 26 juillet 1936 après 400.134 kms parcourus. Salué unanimement par l’ensemble de la presse, l’exploit de François Lecot ne sera jamais égalé. Modestement, ce conducteur infatigable attribuera son succès à la qualité de sa Traction et écrira en guise de conclusion « j’espère qu’avant peu, le Quai de Javel s’appellera le « Quai André Citroën » et ce sera justice. » Ce vœu se réalisera 22 ans plus tard le 9 octobre 1958.
En février 1998 Fabien Sabatés et Gilles Blanchet s’associèrent pour présenter une réédition du livre de François Lecot de 1937. Publié par la SPE (Société de Production Editoriale) dans la collection (très modestement) baptisée « Sabatés Collection Citroën. » L’ouvrage est enrichi d’une importante iconographie ainsi que de plusieurs articles des journaux de l’époque. Il s’achève par les souvenirs de Bernard Citroën fils du Patron, qui souligne que son père décéda 19 jours avant que François Lecot n’entreprenne « cette grande folie. »
Thierry Dubois, passionné par la Nationale 7 depuis son plus jeune âge, refit le trajet du Raid Lecot en 2004 avec une 11AL, fidèle réplique de la voiture de 1935. Son ouvrage publié en 2006 aux Editions Drivers dans la collection « Mémoire de la Route » nous restitue l’ambiance de cette voie qui nous conduit sur la Côte d’Azur.
Thierry Dubois nous offre un habile panachage des photos d’époque avec celles qu’il a prises en 2004 agrémentées de ses dessins « aussi ludiques et insouciants d’apparence, qu’ils sont précis et infaillibles en réalité »
Lu pour vous par Etienne Christian, Club Citroën France